Et si on ré-imprimait à la main ?

La sérigraphie, la linogravure, la risographie sont tant de techniques d’impression pour imprimer de multiples façons. La plupart de ses techniques sont très anciennes, mais attisent l’intérêt d’aujourd’hui. Elles permettent d’offrir une diversité de travaux infinie et valorisent le travail à la main dans une ère de numérisation. Quelles sont ces différentes techniques ? Quelles sont leurs particularités ?

Nous nous sommes rendus au Festival Figuré.e de Toulouse pour découvrir plusieurs de ses techniques et rencontrer des artistes toulousains. Voici tout ce que nous avons eu le plaisir de découvrir et d’apprendre !

Le festival figuré.e, un festival toulousain convivial à petite échelle

Le festival Figuré.e est un festival annuel de création graphique créé par le collectif Pépite. La deuxième édition de ce festival s’est tenue début octobre au centre Bonnefoy. Le festival se déroule en deux temps : en été, les ateliers et à l’automne l’exposition des artistes.

En tant que directeur artistique, graphiste, illustrateur ou simple curieux, cet événement est réellement intéressant. Il permet de rencontrer de nombreux artistes locaux, d’échanger avec des passionnées des métiers d’arts graphiques, de participer à des conférences, de découvrir de nouvelles techniques d’impression, et même d’avoir l’opportunité d’acheter des œuvres exceptionnelles et uniques directement à leurs créateurs. Et bien sûr : c’est gratuit !  Rentrons maintenant dans le vif du sujet et parlons impression.

La base des techniques d’impression

La technique d’impression de linogravure et gravure sur bois est d’imprimer « à l’envers ». C’est-à-dire que les zones creusées sont les zones qui ne seront pas imprimées, tandis que les zones intactes et pleines seront imprimées.

Concernant la sérigraphie, les zones “vides” sont les zones à imprimer et les zones dites « pleines » sont les zones de protection, où l’encre ne sera pas posée sur le support final. 

La sérigraphie, ou l’impression pochoir

La sérigraphie découle de la technique du pochoir et permet d’effectuer des impressions en série sur toutes sortes de supports (papier, bois, carton, métal, textile, etc.). Au fil des siècles, mais aussi au fil des pays et continents qu’elle a traversés, la sérigraphie a vu son procédé évoluer et s’améliorer. 

Comment ça marche ?

La sérigraphie est donc, comme expliquée précédemment, une technique d’impression inversée. Initialement en tissu de soie, la sérigraphie est désormais pratiquée à l’aide d’un cadre en bois et d’un écran de tissu très fin afin de laisser passer la couche de couleur sur le support.

Les étapes de la sérigraphie, expliquées par Johan Borg

Johan Borg utilise des microns pour travailler ses illustrations en amont afin d’avoir le plus de détails possibles ainsi qu’à l’encre de Chine, pour avoir un noir intense. Après avoir scanné l’illustration, il peut la travailler afin d’être disposée en pochoir sur l’écran de tissu.

Une couche de matière protectrice est ajoutée sur les zones noires de l’illustration ainsi qu’au pourtour de cette dernière. Seules les zones non protégées accueilleront la couleur. C’est-à-dire les zones de détails de l’illustration qu’il a auparavant dessinée.

Les illustrations peuvent avoir un détail et une taille considérable, car elles se créent au pixel près. Ainsi, la sérigraphie est la technique qui permet d’obtenir le plus de détails par rapport aux autres techniques détaillés dans la suite de l’article.

Lorsque l’illustration est apposée sur l’écran de tissu et que les zones de protection sont mises en place, nous pouvons placer le support d’impression sous l’écran. L’impression peut se faire sur du tissu, du papier, du carton, du plastique, du verre ou encore du métal.

Crédit : festival Figuré.e
Sérigraphie de Johan Borg avec la technique du Glitch

Nous différencions l’encre de la sérigraphie en deux types :

L’encre à l’eau, qui est utilisée en général pour la création des dégradés, l’impression sur textile et papier. L’impression avec cette encre est très résistante. Cependant, les pigments peuvent être nocifs pour l’homme lorsqu’ils sont utilisés en grande quantité et nocifs pour l’environnement, si les déchets ne sont pas traités ou qu’ils partent dans les eaux usées.

L’encre plastifiée, ou plastisols, quant à elle, est utilisée uniquement pour l’impression textile. Seulement, les illustrations se dégradent très rapidement et nous apercevons des fissures sur les bords des illustrations. Ces morceaux de plastique qui se détachent lors du lavage du vêtement. Des précautions sont donc à prendre pour l’utilisation de ces deux types d’encres.

Pour agrémenter la sérigraphie, certains artistes tels que Johan Borg utilisent des techniques comme le « glitch » pour créer de la texture et un mélange de couleurs. Le glitch est la superposition de couleurs différentes sur le même écran. Ainsi, les couleurs se fondent entre elles et créent des tâches ou des dégradés selon leur positionnement sur l’écran de tissu.

Les sérigraphes, ou la quête de l’impression écoresponsable

Johan tend vers la création « responsable » en utilisant un dégraveur « bio ». Cependant, les encres, les pigments et les autres produits sont assez nocifs pour l’environnement lorsqu’elles sont utilisées en très grande quantité. Seulement, les produits non nocifs ou « responsables » coûtent cher et ne se trouvent pas facilement dans le commerce.

La création de collectifs d’artistes

De nombreux collectifs ont vu le jour sur la région toulousaine. Dans ses collectifs, se regroupent designers, illustrateurs qui ont fondé des ateliers de création, d’expression et d’expérimentation graphique. Ces collectifs de moins d’une dizaine de personnes travaillent autour du design graphique sous différentes formes : webdesign, fonderie, sérigraphie, linogravure, illustration, etc.
Sur la région toulousaine, une dizaine de collectifs se sont créés tels que Typon noir, Pépite, Superfruit, Point design ou encore l’Atelier de la main gauche.

Le collectif Superfruit, le collectif ultra vitaminé

Le collectif Superfruit est composé de 4 graphistes titulaires de master de design graphique, installés à Toulouse. Le collectif est un atelier de création artisanal et graphique, qui s’articule autour de la sérigraphie, du motion design, du design graphique et du webdesign. Nous les avons rencontré lors de l’inauguration du salon de thé Capsule à Toulouse, où ils ont exposé une série d’illustrations sérigraphiées.

L’exposition Chloroville au salon de thé Capsule

La série Chloroville, créée en printemps 2019 est une série d’illustrations sur le thème de l’urbain et des plantes. Les illustrations ont été créées par plusieurs personnes du collectif. Nous pouvons différencier les styles d’illustration sur la série, néanmoins la direction artistique de cette série prend le dessus sur ces différences anodines.

Crédit photo : Collectif Superfruit
Crédit photo : Collectif Superfruit

La Linogravure, l’impression de motifs

La linogravure est un procédé de réalisation d’une impression, qui permet la reproduction d’un motif sans avoir à le dessiner à chaque fois. Cette technique d’impression requiert de graver du linoléum. Ce matériau permet la gravure dans n’importe quelle direction contrairement à la gravure sur bois. Il permet ainsi une plus grande liberté dans les motifs réalisés.

Le principe est plutôt simple. On évide, c’est-à-dire on retire des morceaux de lino, à l’aide d’une gouge, un outil coupant muni d’un manche. Les parties évidées correspondent au blanc, donc les parties non imprimées. Le reste, qui n’est pas évidé, sera imprimé. Pour imprimer, il faut se munir d’un rouleau spécial enduit d’encre pour linogravure. Une fois l’encre appliquée sur le lino, on peut soit faire pression à l’aide de ses mains, ou à l’aide d’un rouleau à pâtisserie. Il existe aussi la possibilité de l’imprimer sur la presse taille-doucep. Chacune de ces différentes techniques aura un impact sur le rendu de l’impression bien entendu.

 Pour vous rendre compte, voici des exemple de linogravure, ou même de détournement : David Vanadia : Un exemple parfait de linogravure.

Crédit photo : David Vanadia

Mais aussi certains artiste comme Karol Pomykala  s’arrete à la panche de lino. Il font directement du lino l’oeuvre et ne s’en serve pas comme tampon.

Crédit photo : Karol Pomykala

La gravure sur bois, ou l’art de l’impression au naturel

La gravure sur bois (ou xylogravure) est une autre technique d’impression.

Le principe de la gravure sur bois est de découper un morceau de bois en coupe transversale (en travers des fibres du bois) ou longitudinale (le long des fibres du bois). Ces deux découpent donnent un aspect différent au bois en fonction de ses nervures.

Le choix du bois est aussi un paramètre à définir pour l’aspect final de l’impression.

Ce que l’artiste recherche avant tout dans la gravure et l’impression sur bois est l’imperfection des traits, qui sont très caractéristiques à la matière.

Ici, l’artiste crée un “canva” en bois pour poser plusieurs petits modèles afin de créer un visage. Des modèles de visages sont multiples et les combinaisons infinies.

Chaque impression est alors unique et est imprimée de la matière du bois.

La gravure sur bois en vidéo

“Mon travail se façonne au fil des rencontres et de mes actions. Chaque projet a ses contraintes et prend son sens. J’apporte mon regard et donne mon énergie pour m’exprimer et transmettre à travers les matières. Les outils, les matériaux, le sujet, les acteurs, chaque élément est retenu avec attention pour faire jaillir des œuvres un caractère fort.”

Antoine Savigneux, artisan menuisier et graveur sur bois

Compte Instagram d’Antoine Savigneux : https://www.instagram.com/antoinesavigneux/

La risographie, impression mécanique

La risographie est une technique d’impression mécanique, un type du duplicopieur. Proche de la sérigraphie, la risographie est basée sur des pochoirs qui sont insérés dans un tambour qui tourne à grande vitesse pour transférer l’encre sur le support. Les différentes couches de couleurs sont appliqués l’une à la suite des autres. Ce qui donne un aspect de tignes et d’aplats “décalés”. On ne peut donc pas avoir deux tirages identiques. Les tambours d’encre sont interchangeable ce qui permet d’avoir des effets de surimpressions et de différentes couches de couleurs superposées.
Ce type d’impression permet d’imprimer en très grande quantité et avec beaucoup de détails. Il est important de noter que cette technique d’impression donne une qualité artisanale et presque tactile. En effet, on peut jouer avec la texture du papier et celle des encres.

C’est une technique très économique et écologique car grâce à une machine, les tirages se font plus rapidement que pour la sérigraphie.

Les couleurs utilisés pour la risographie et la sérigraphie sont des couleurs très vives, pures, translucides, métallisées et qui ne sont idéales pour les mélanges et qui ne sont pas reproductible sur de l’imprimerie classique. C’est ce qui fait tout caractère unique et appréciable de ces techniques.

Le seul inconvénient de cette technique est le séchage. 24h sont nécessaires pour que chaque couche de couleur soit bien sèche avant de passer à la seconde couche. Si le temps de séchage n’est pas respecté, la couleur se mélangera avec celle du dessous.

Crédit photo : Carré Rouge

L’impression artisanale est aujourd’hui toujours d’actualité, voire même tendance. Elle permet de sortir un instant de nos ordinateurs et offre une multitude de rendus différents en fonction de nombreuses caractéristiques. Ce sont, pour sûr, des techniques d’impression à garder en tête et à user en tant que Directeur Artistique. Le festival Figuré.e est l’endroit idéal pour découvrir ses techniques et y rencontrer des artistes toulousains, parfois spécialisés sur ces différents types d’impression. 

Ainsi, ce festival vaut la peine d’être visité et pour ne pas manquer sa 3ème édition n’hésitez pas à suivre la page Facebook du festival Figuré.e.

Pour aller plus loin : 

Crédits photos :  Festival Figuré.e : Lisa Basso et Jérôme Sallerin, Collectif Superfruit, Carré Rouge

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