Une discipline née du spectacle vivant : le tissu aérien
Le théâtre en plein air est apparu pour la première fois en Grèce, mais c’est sous l’Empire Romain que le stade prit le nom de cirque. Le peuple appréciait le spectacle, l’édifice mais aussi le danger, il aimait déjà éprouver des émotions fortes et c’est pour cela qu’il se rendait au Cirque ou à l’Amphithéâtre. L’apparition du cirque tel qu’on l’entend dans sa conception occidentale remonte au XVIIIème siècle dans le monde équestre avec Philip Astley. À son retour d’Amérique, le vétéran décide de réaliser des spectacles équestres et acrobatiques. Il réalise ses acrobaties sur une piste circulaire couverte par un toit conique.
Au fil du temps, le cirque a intégré des agrès aériens dans ses spectacles. Cela a permis aux artistes et aux spectateurs de découvrir et d’explorer un nouvel univers, un espace jusqu’alors inexploité. La corde sur laquelle voltigeaient et dansaient les gymnastes s’est élargie, désépaissie et adoucie pour devenir le tissu aérien. Cette discipline consiste à explorer la verticalité. Deux brins de tissu sont suspendus à un point d’accroche et l’artiste réalise des clés, drops ou figures de tous genres. À travers la discipline, l’artiste se surprend à explorer un nouvel imaginaire lui permettant de raconter des histoires et créer des émotions. Le corps éphémère de l’acrobate est un outil de création vecteur de messages. Sans corps, il n’y a pas de tissu aérien. Il devient alors intéressant de se demander, entre onirisme et performance physique, comment le corps est-il traité en tissu aérien ?
Entre performance artistique et culture du risque
La contorsion peut venir enrichir et développer un agrès de cirque ou de gymnastique. Elle se construit sur des positions et mouvements du corps humain poussés à l’extrême. Elle questionne le corps sur ses limites. Celui-ci n’est plus seulement un moyen de démonstration sportive ou de performance artistique mais une pâte à modeler, le ciment de l’œuvre.
Le tissu aérien laisse des marques sur le corps. Entre brûlures et hématomes, l’artiste n’en sort jamais indemne. Nous en revenons ici au dépassement de soi, l’épreuve physique mène à la performance artistique. Le voltigeur transgresse les lois de la gravité et prend le risque de se confronter à la hauteur, à la fébrilité de son corps éphémère pour réaliser sa prestation. Le besoin de prendre des risques pour créer vient d’un premier besoin de détachement du sol incarné par les voltigeurs et acrobates. Ces artistes sont mus par un désir d’évasion de découverte et d’aventure. Ils veulent créer sans se contraindre à un cadre.
Chorégraphie, le langage du corps et du tissu
La liberté se trouve dans le mouvement et parfois les mouvements les plus simples sont les plus élégants, les plus libres et surtout les plus sincères. L’artiste, léger, se libère en transgressant les lois terrestres gravitationnelles. D’un objet simple comme un tissu, un cerceau ou encore une corde on crée une agrès, un spectacle et un univers.
La chorégraphie est l’art d’écrire la danse. Elle se compose de pas, de mouvements, de figures et de moments d’improvisation. Daniel Sibony dans Le corps et sa danse s’exclame « il y a autre chose, il y a de la place, bouge ! » Il cherche à dénouer des vies bloquées par le mouvement. L’individu qui se sent étranger à son corps va l’apprivoiser et apprendre à le connaître par le geste et l’expression de ce qu’il ressent. La chorégraphie permet de s’exprimer lorsque nous avons longtemps été réduits au silence. C’est dans le langage du corps que l’être va s’épanouir.