Forme & son, histoire étroite d’un lien invisible

Le lien entre nos sens

Nos sens sont parfois considérés comme des rouages isolés d’une machine globale qui remplissent leurs rôles exclusivement. Lorsque l’on entend, on le fait grâce à l’ouïe s’activant par un son, lorsque l’on voit, c’est grâce à la vue, que l’on sent, grâce à l’odorat. Cependant, on observe des liens entre ces sens, en effet, lorsque l’on lit on utilise la vue face à un texte, on s’imagine entendre les lettres et les mots s’enchaîner dans notre esprit, c’est parce que les zones du cerveau en charge de l’ouïe sont aussi actives lors de la lecture. Lorsque l’on mange, on goûte et on sent simultanément, le dysfonctionnement de l’un de ces deux sens perturberait grandement notre perception des saveurs et des odeurs. Il y a des liens moins évidents qui peuvent aussi se créer, comme le goût répondant à la vue d’un plat appétissant ou encore l’ouïe à la vue d’une craie qui s’écrase contre un tableau noir. Ces liens existent et nous prouvent chaque jour que les sens sont liés et se répondent les uns les autres.

Cette problématique de relation entre les sens peut s’étendre à d’autres domaines, le texte, la musique, les arts… Dans le domaine artistique, on se rend compte que de nombreuses et nombreux artistes ont essayé de représenter les sons par des images en créant des ponts entre les sens notamment avec Kandinsky qui dédie une grande partie de son œuvre à la représentation de symphonies par des peintures. En musique aussi, on peut aussi remarquer les mêmes problématiques, les notes ont une représentation graphique, ce qui soulève les mêmes questions que pour les lettres, la représentation répond-elle à une logique imparable ou au contraire est le fruit d’une conceptualisation arbitraire de l’esprit humain ? Et de ce fait, la forme influence-t-elle notre perception du son ?

Des liens instaurés et nécessaires

Au niveau de la linguistique, les formes des lettres ne sont pas connectées par essence aux sons qu’elles induisent, ce rapport est arbitraire dans toutes les langues, par le fait, les mots eux aussi ne sont pas reliés aux choses qu’ils désignent. Malgré cela, les sons, eux, transportent des symboles, de grandeur et de petitesse par exemple, ainsi en associant les lettres au sons, on peut rendre les lettres indirectement porteuses de ces symboles.

Concernant la musique et ses représentations, les formes que l’on a liées aux notes, aux rythmes et aux compositions ne sont que les échos de nos systèmes d’écriture, elles se basent essentiellement sur des systèmes déterminés et réfléchis, fruit de la réflexion humaine et non pas d’une essence naturelle. Les instruments, la forme créatrice de son nous rappellent cependant que les deux notions sont en lien, les instruments de grande taille produisent du grave lorsqu’il font appel à une génération du son naturelle. Cependant, l’humain a les capacités et les outils pour  s’affranchir ne serait-ce qu’un peu de ces règles qui pourraient le brider mais ne le fait pas, par choix logique.

De la même façon et en suivant la même logique, l’humain a pu diversifier la forme de sa langue par la typographie cherchant tantôt à faire taire les lettres, tantôt à les faire parler, permettant à des œuvres de s’en servir au maximum et de les déformer, cherchant à donner de plus en plus de “dimension sonore” aux formes ou d’en atteindre les limites compréhensibles. Et ce, dans beaucoup de domaines, que ce soit des œuvres d’art contemporain, en salle d’exposition, sur les réseaux sociaux ou des bandes-dessinées, des mangas ou même des films.

L’influence que la forme a sur le son est subtile et en constante remise en question mais bel et bien présente, tellement que tous les jours nous y faisons face sans nous en rendre compte, comme en ce moment, où vous lisez dans votre tête.

En ayant traité tous ces sujets, on peut remarquer quelque chose d’intéressant : peu importe les cultures, les représentations du son, l’utilisation des formes pour créer le son, pour le représenter sont toujours en lien avec la réalité qu’est le son lui-même, ne serait-ce qu’un peu.

Pour suivre ce mémoire, j’ai décidé pour mon projet de créer DushaDusha, une bibliothèque visuelle de la musique prenant la forme de “portraits”. Ces portraits pourront être ceux de morceaux ou bien de personnes, générés en fonction de leurs écoutes.

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