Depuis toute petite, et grâce à mes parents, j’ai vécu entourée de photographies. Dans le salon, la chambre, le bureau, et même la cuisine, des souvenirs encadrés, des photographies d’enfance, des albums de famille et plusieurs boîtes remplies d’enveloppes et de négatifs. Mon père a eu tous les appareils possibles, de l’argentique au numérique. Une passion qui s’est donc transmise en grandissant. Avoir tous ces clichés et ces outils à portée de main a certainement eu un rôle sur cette passion, mais aussi sur la façon dont j’ai grandi. Un questionnement s’est donc opéré sur toutes ces images que l’on crée au quotidien et qu’on garde précieusement.
Le cliché souvenir, un objet du quotidien depuis de nombreuses années
Le repas de famille pour célébrer les 18 ans du petit frère, cette soirée autour de l’étang un soir d’août avec les copains, le mariage bucolique de la cousine, ces moments sont restés dans notre tête mais surtout dans la galerie photo nos téléphones. Il y a 20 ans, ce n’était pas sur les écrans que nos souvenirs divaguaient, mais sur du papier. Depuis le début de l’histoire de la photographie, les outils ont changé, les supports se sont multipliés. Le but de la photographie s’est aussi diversifié. Au départ, elle n’était réservée qu’à une certaine classe des plus aisées voulant se faire tirer le portrait. Mais les industriels de la photographie ont réussi à démocratiser l’appareil photographique pour les classes les plus populaires. Un nouveau tournant s’opère et le vacancier des années 1936 embarque son appareil photo jetable Kodak pour pouvoir se remémorer cet incroyable été au bord de la mer, accompagné de toute sa famille.
Tout le monde a des photographies souvenirs enfouies dans un carton au grenier, un album de sa naissance avec de nombreuses photographies de soi bébé. Maintenant les clichés souvenirs d’aujourd’hui s’entassent dans le stockage immense de nos disques durs que l’on ne regarde même plus. On expose son mariage sur les réseaux sociaux, on crée un compte Instagram pour son enfant de 2 mois et on attend le like. Quoi qu’il arrive, que ce soit en 1983 ou 2022, on construit sa personne à travers ces images. La nostalgie, la reconnaissance de soi et de ses proches, la place dans sa famille, tant de sujets qui impacteront l’évolution d’un individu tout au long de sa vie.
Les photographies sélectionnées et triées, une représentation faussée de soi
La vie n’est pas faite que de moments heureux. Cependant, prenez un album de famille et vous y verrez très peu d’enfants qui pleurent, d’accidents de voiture ou encore de photos d’enterrements. La photographie souvenir bien qu’elle puisse apporter réconfort n’est pas forcément la plus représentative de la réalité. L’album-photo est un livre où la famille raconte son histoire et choisit de la tronquer ou non. Les réseaux sociaux sont une vitrine des moments les plus joyeux de notre quotidien qui collent à la vie parfaite. Des sélections qui biaisent la mémoire et réécrivent une histoire qui n’est plus vraiment la nôtre. Cette problématique m’a fait donc réfléchir sur l’utilisation générale de la photographie souvenir.
Des souvenirs utilisés dans le monde de l’art
L’art de la photographie est large mais quand il est question du quotidien c’est un thème bien plus précis. De nombreux artistes ont pu montrer leur travail à travers leur réel quotidien : Nan Goldin ou encore Sally Maan. Des utilisations crues de leur véritable vie, qui ont fait débat dans les années 70 à 80. D’autres artistes ont pris l’opportunité de raconter l’histoire d’autres personnes, en utilisant et en remettant au goût du jour des photographies jusque-là oubliées. Des artistes comme Christian Boltanski ou Lee Shulman refont vivre des clichés d’époques différentes pour ainsi faire perdurer le souvenir.
De nombreuses thématiques autour du souvenir photographique entre les décennies qui ne feront qu’évoluer encore plus dans les années à venir.