Une architecture hors du commun, une exposition engagée, une personnalité qui a changé le monde de l’art : nos expériences lors de la découverte de ces musées emblématiques ont toutes un point commun, la famille Guggenheim.
La famille Guggenheim, originaire de Suisse, est inscrite dans le domaine artistique depuis bien des générations. Nous la connaissons bien et l’avons rencontrée au travers de différentes œuvres architecturales, les musées Guggenheim de New York, Bilbao et Venise. Chacun de ces musées nous ont émues, surprises, étonnées d’une manière bien particulière. Laquelle ? Nous vous laissons le découvrir…
Guggenheim Bilbao
Frank Owen Gehry, architecte canadien basé à Los Angeles, a su nous surprendre à bien des égards. Profondément influencé par l’environnement des lieux où il oeuvre, il nous étonne et nous surprend en créant un lien, un dialogue entre son travail et l’architecture alentours. Plusieurs d’entre eux sont devenus des oeuvres d’architecture contemporaine mondialement célèbres comme le Walt Disney Concert Hall au centre de Los Angeles, le MIT Ray and Maria State Center à Cambridge et, le coeur de notre article, le Musée Guggenheim de Bilbao, en Espagne.
À l’occasion des 20 ans du musée Guggenheim de Bilbao, nous avons décidé de nous y rendre, une fois de plus, pour vous le faire découvrir. Car il y a bien une chose dont nous ne nous lasserons jamais : la conception architecturale du musée. C’est un design étonnant, novateur, qui ne laisse pas indifférent et dont certaines personnes l’élèvent même au rang de sculpture. Entrons plus en détails dans ses particularités.
Une innovation architecturale sans précédent
La construction du musée Guggenheim de Bilbao s’est réalisée entre octobre 1993 et octobre 1997. Sa superficie s’élève à environ 24000m2 dont près de la moitié est consacrée aux expositions. L’édifice est situé à un emplacement bien stratégique : le quartier industriel de la ville, rue Iparragirre. Pourquoi ? Car il s’agit tout simplement de l’une des artères principales longeant la ville de Bilbao. L’objectif est donc sans équivoque : étendre le centre ville jusqu’au musée et représenter ainsi “une porte d’entrée dans la ville”.
Frank Gehry est réputé pour sa sensibilité à l’environnement qui l’entoure. Ici, le musée Guggenheim se fond parfaitement avec ses alentours. Pourtant, de nombreux architectes peinent à catégoriser cet édifice en raison de sa forme inhabituelle, unique. Ils le qualifient donc d’oeuvre d’avant-garde post moderne.
L’extérieur du bâtiment a également pour vocation d’accueillir les expositions permanentes qui rendent le musée si célèbre. Nous pouvons évidemment donc citer Louise Bourgeois, Eduardo Chillida ou même Jeff Koons pour son célèbre chien fleuri.
Le point culminant du musée est l’atrium de verre, s’élevant à 57m de haut. Les matériaux utilisés sont également peu conventionnels pour l’époque : le titane, le calcaire espagnol et le verre. Le titane a pour fonction de former un revêtement autour de l’ossature métallique des tours du bâtiment. Quant au verre, il a été utilisé pour réaliser la grande verrière en forme de fleur métallique sous laquelle se situe l’atrium, au centre du bâtiment.
Les jeux de lumières qui se forment grâce au titane animent le musée au fur et mesure où l’on se ballade autour. Le Musée Guggenheim est un véritable édifice mouvant.L’intérieur du musée s’organise en trois étages autour de l’atrium de verre, au centre du musée. Il nous offre un jeu de volumes, de perspectives et de courbes très intéressant. Ces formes s’entremêlent, se croisent et côtoient les parois et ascenseurs de verre. La particularité de ce musée est qu’il propose aux créateurs, des salles d’expositions toutes différentes et étonnantes les unes des autres. Lignes orthogonales ou forme classique, chaque créateur trouve la salle qu’il lui faut et qui s’adapte parfaitement à ce qu’il veut exposer. Le dynamisme des expositions du musée Guggenheim permet de s’imprégner d’un univers, d’une atmosphère totalement différente au fil de notre visite.
Guggenheim New York
En 1959, le musée a reçu une résidence permanente dans un nouveau bâtiment innovant conçu par Frank Lloyd Wright. Le bâtiment représente une rupture radicale par rapport à la conception traditionnelle des musées : il s’enroule en spirale sculptée dans du béton blanc massif. L’espace d’exposition intérieure est une rampe en spirale de six «histoires» entourant un espace central ouvert éclairé par un dôme de verre. Le bâtiment de Wright est devenu l’un de ses plus emblématiques design, et il a été désigné site du patrimoine mondial par l’UNESCO en 2019. Le musée Guggenheim a une grande collection de peintures européennes du XXe siècle et de peintures américaines de la seconde moitié du siècle. Le musée possède la plus grande collection de peintures de Wassily Kandinsky au monde et de riches collections d’œuvres de Pablo Picasso, Paul Klee et Joan Miró, entre autres. La sculpture moderne est également bien représentée.
L’exposition “Defacement” : The Untold Story, retour sur un chapitre décisif de la vie de Basquiat
Du 21 juin au 6 novembre 2019, le Musée Salomon R. Guggenheim présenta ‘Defacement’ de Basquiat : The Untold Story. Cette exposition thématique ciblée de Jean-Michel Basquiat, complétée par des œuvres d’autres artistes de sa génération, explore un chapitre formateur de la carrière de l’artiste à travers le prisme de son identité et le rôle de l’activisme culturel à New York au début des années 80.
L’exposition « Defacement » : The Untold Story part d’un tableau créé par Jean-Michel Basquiat en l’honneur d’un jeune artiste noir – Michael Stewart – qui a connu une fin tragique lorsqu’il aurait été pris en flagrant délit en train de faire des graffitis dans une station de métro à East Village le 15 septembre 1983. Stewart, âgé de vingt-cinq ans, a été menotté, battu et étranglé avec une matraque, ce qui a probablement causé une hémorragie cérébrale qui l’a plongé dans un coma et il ne s’est jamais réveillé.
“Cela aurait pu être moi », disait Jean-Michel Basquiat.
Des œuvres de ses pairs, dont Keith Haring, Andy Warhol et George Condo, sont également exposées et témoignent de la solidarité vécue par les artistes de l’époque.
© Estate of Jean-Michel Basquiat. Licensed by Artestar, New YorkPhoto: Allison Chipak © Solomon R. Guggenheim Foundation, 2018
¿DEFACEMENTO?
Peinte à l’origine sur le mur de l’atelier de Keith Haring, l’œuvre ne devait pas être vue à grande échelle et a rarement été exposée dans un contexte public.
Deux policiers, à la peau rose et en uniforme bleu, brandissent leurs matraques au-dessus d’une silhouette solitaire, noire et auréolées.
Au-dessus se trouve le mot ¿DEFACEMENTO? un mot qui, dans les années 1980, était souvent utilisé comme terme pour désigner les graffitis. Dans le contexte de la peinture, l’artiste attire notre attention sur le fait que ce qui était réellement dégradé n’était pas les murs du métro mais une vie humaine : ce sont les policiers avec leurs visages diaboliques, qui commettent l’acte de dégradation.
En plus de la peinture, l’exposition présente des œuvres d’autres artistes, dont David Hammons, Keith Haring, Lyle Ashton Harris et Andy Warhol, qui traitent de la mort de Michael Stewart. On retrouve aussi des documents d’archive comme une affiche de protestation faite par David Wojnarowicz ou des affiches pour des actions caritatives pour la famille de Stewart.
Les autres peintures que Basquiat exposées ont été créées dans les années précédant l’incident de 1983, y compris Irony of a Negro Policeman (1981), La Hara (1981), Untitled (Sheriff), 1981, et CPRKR (1982), qui partagent des thèmes concernant l’oppression et la violence engendrée par le racisme et le capitalisme.
Photo: Allison Chipak © Solomon R. Guggenheim Foundation, 2018
Une façon de faire face à la réalité
Le regard de Guggenheim sur cette année 1983 et sur la mort de Michael Stewart nous donne une perspective sur notre moment présent. C’est une façon de faire face à la réalité que nous vivons actuellement et c’est en ça que cette exposition est intéressante et je l’espère utile. Je pense malgré tout que sa situation, dans le plus haut étage d’un musée payant dans l’Upper East Side, ne permet pas de délivrer le message efficacement, il ne permet pas d’atteindre les communautés à Brooklyn ou dans le Bronx. Basquiat n’est, selon moi, pas un artiste qui s’expose comme tous les autres, je trouve cette exposition assez passive ce qui détonne avec le combat de l’artiste qui doit continuer aujourd’hui plus que jamais.
Guggenheim Venise
La collection Peggy Guggenheim a été créée par Peggy Guggenheim, la nièce de Solomon R. Guggenheim, devenue collectionneuse et marchand d’art moderne. La collection, qui se trouve dans son ancienne demeure, le Palazzo Venier dei Leoni à Venise, contient quelques peintures remarquables cubistes, surréalistes et expressionnistes abstraits. La collection et le palais ont été donnés à la Fondation Solomon R. Guggenheim en 1979.
© David Seymour/Magnum Photos/IBL
Peggy Guggenheim, la plus grande collectionneuse d’art moderne du XXe siècle.
N’ayant pas pu visiter le musée, l’histoire de celui-ci nous a tout de même marqué par sa fondatrice : Peggy Guggenheim, femme libre et avant-gardiste, c’est la plus grande collectionneuse d’art moderne du XXe siècle.
Portée par l’héritage de ses oncles, c’est à 21 ans qu’elle part vivre à Paris, où elle épousa Laurence Vail, un poète, peintre et sculpteur français. Il lui présenta des artistes comme Man Ray, Isadora Duncan, James Joyce, Ezra Pound, André Masson, Samuel Beckett ou Marcel Duchamp. Ces deux derniers seront ses futurs mentors en matière d’art et amants.
En 1938, elle ouvre sa première galerie à Londres : Guggenheim Jeune. Elle y exposera Jean Cocteau, mais aussi Arp, Brancusi, Calder, Kandinsky… Guggenheim Jeune devient une galerie reconnue et Peggy devient vite « Art-Addict ».
En plus de Marcel Duchamp, elle bénéficiait aussi des conseils d’Herbert Read, l’un des plus importants critiques et historiens d’art britanniques. Avec lui, elle voulait faire un musée d’art moderne. Le projet ne pu aboutir avec la déclaration de guerre. Elle alla à Paris et acheta des œuvres d’art, une par jour selon ses dires, mais en réalité elle en a acquis bien plus.
Au moment de l’invasion allemande, elle chercha à mettre sa collection à l’abri. Elle sollicita le Louvre, qui était en plein déménagement, mais d’après eux « ces œuvres ne méritaient pas d’être sauvées ». Elle parvint tout de même à les rapatrier à New York, elle aida financièrement l’américain Varian Fry, qui avait organisé à Marseille une filière d’évasion, afin d’évacuer les artistes menacés par le régime nazi dont Max Ernst qui deviendra son deuxième mari.
De retour aux États-Unis, elle complète sa collection : Malevich, Mondrian, Picasso, Chirico, Matta, Paul Klee et elle ouvre à New-York sa galerie Art of this century où elle défendra l’avant garde américain avec Rothko et Pollock.
C’est en 1949 qu’elle achète à Venise le Palazzo dei Léoni où elle installe sa collection. En 1952, le musée Peggy Guggenheim ouvre enfin ses portes.
Peggy Guggenheim et Jackson Pollock devant Mural (1943), de Pollock, à l’entrée de son duplex situé East Sixty-First Street, New York, vers 1946, avec une sculpture non identifiée de David Hare au premier plan, image © George Karger via Guggenheim.org
Peggy Guggenheim était amoureuse de l’art et personne ne l’a aimé aussi fort qu’elle.
Peggy Guggenheim a su rester indépendante au fil des années, elle a eu le courage de toujours suivre ses intuitions dans un milieu d’hommes. Certaines personnes ne l’estime pas à sa juste valeur et n’ont entendu parler d’elle qu’à travers sa sexualité débridée, chose qui était totalement courante pour les hommes de l’époque. Elle a été très courageuse d’assumer cette partie de sa vie, à une époque aussi particulière pour la femme et ses droits.
Toute sa fortune, toute sa passion et son énergie ont été consacrées à faire vivre l’art moderne et à le rendre accessible à tous. Je pense que Peggy Guggenheim n’a pas eu la vie qu’elle aurait souhaité dans le sens où depuis la mort de son père elle n’a jamais été aimée comme elle l’aurait voulu, elle ne s’est peut-être même jamais sentie à sa place. Mais grâce à elle, et l’on peut l’affirmer aujourd’hui, le monde de l’art n’aurait pas été le même. Elle a réussi à se battre pour sauver des oeuvres d’art, défendre des artistes, les aider, les mettre au devant de la scène (comme Pollock qui était inconnu avant qu’elle ne le découvre et que son intuition la pousse à l’exposer et le soutenir). Peggy Guggenheim était amoureuse de l’art et personne ne l’a aimé aussi fort qu’elle.
Notre expérience dans ces différents musées ne cessent de nous surprendre. Ces oeuvres ont pour nous une âme, une histoire à nous raconter. Bientôt, nous découvrirons une toute nouvelle histoire que vous pourrez partager à votre tour. En effet, annoncée en 2006, repoussée en 2012 puis en 2017, l’ouverture de l‘antenne du Solomon R. Guggenheim Foundation sur l’île de Saadiyat, aux Émirats arabes unis, devrait avoir lieu en 2022. Une incroyable occasion d’y découvrir ses moindres recoins. Et vous, quel musée vous a le plus marqué ?